Était-il une fois dans l’ouest ?

En 1977 il n’était pas à Cannes, mais à Deauville, au Festival du Film Américain. Alain-Georges Emonet, contributeur amoureux de Versus, nous fait le plaisir du récit d’une mémorable rencontre, comme le métier de journaliste sait en créer.

Ce 9 septembre 1977, l’homme du jour à Deauville, c’est Pierre Salinger.  Il vient de remporter le prix littéraire Lucien Barrière, récemment créé. Dans le Salon des Ambassadeurs, 200 convives, carton d’invitation ostensiblement présenté à la main se pressent avec élégance et rires bruyants. A l’entrée du casino, curieux repoussés et collectionneurs de mégots de stars (c’était le dernier chic d’une époque sans selfie) s’agglutinent sous un ciel normand, hésitant et menaçant. 

Dîner « placé », comme le souhaitaient le maître des lieux et le maire de Deauville, Michel d’Ornano, ministre de la culture du moment.

Mon complice photographe à ma droite. Quelques places loin à ma gauche un producteur américain de films pornos, plus à droite l’attaché culturel de l’Ambassade du Pérou à Paris tous deux accompagnés de femmes ravissantes et endiamantées…

Et en face de moi, un jovial Italien aux lunettes aussi rondes que son profil. Barbe poivre et sel soigneusement taillée, veste de smoking blanche, nœud papillon noir et…francophone !

Immédiatement la conversation s’engage avec passion, une aubaine de pouvoir échanger en français au milieu de ce cette 3ème édition du Festival du Film Américain, anglophone par nature…et par obligation. Financement d’outre-Atlantique oblige.

Et nous voilà dans un échange voluptueux et animé sur le cinéma italien. Et ce réalisateur exceptionnel… ces cadrages sans fondu d’images… Sergio Leone évidemment… et ces musiques inoubliables… De toute évidence mon interlocuteur connait bien Sergio Leone. Il m’avoue être allé à l’école avec lui.

Et me voilà généreux de compliments et d’admiration pour cette composition mythique à l’harmonica dans IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST…et encore…et encore….

Le repas terminé, l’italien chaleureux me congratule d’avoir été un compagnon de table sympathique et disert. Il ajoute simplement en guise de conclusion « merci pour tous ces compliments, je suis Ennio Morricone » et il éclate de rire.

Me voici confondu, liquéfié, abimé, cherchant quelle fuite pourrait être encore honorable. Mais immédiatement une tape sur l’épaule et un souriant « à bientôt » me réconfortèrent. Le lendemain et les jours suivants j’ai croisé à plusieurs reprises Ennio Morricone sur les Planches ou au Normandie. À chaque fois il s’est déplacé pour me saluer.

Le dernier jour du festival, sur le tarmac de l’aéroport de Deauville-Saint Gatien, il me salua me lançant un « au revoir, Alain-Georges ! » devant mes confrères étonnés qui ignorent toujours les raisons de cette familiarité…

Mais quand on est un grand on l’est tous les jours et en toutes circonstances.

Merci Ennio !

Alain-Georges Emonet

Le 24 mai 2022

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