Jane Birkin, François Mitterrand et Emmanuelle

…ou les confessions au presbytère

Alain-Georges Emonet, longtemps journaliste présentateur des informations sur France 3 Orléans, nous fait une fois de plus l’amitié et le plaisir de relater l’une de ses épiques rencontres. A savourer sans modération !

En cet été 1978, le monde catholique pleure le pape Paul VI et le ministre René Monory tente de convaincre les français d’étaler leurs vacances. Dans les pages politiques des quotidiens, un titre s’étale, mais modestement et sans vigueur: François Mitterrand sera candidat aux prochaines élections présidentielles de 1981.

Et pour illustrer cette candidature, je décide d’aller rencontrer… Jane Birkin à Cresseveuille, localité de 200 âmes proche de Dozulé dans le Calvados.

Il y a 3 ans que madame Mallory Birkin a acheté, dans l’indifférence générale, ce presbytère récemment abandonné. Sauf qu’un jour, dans l’épicerie du village, on a vu apparaitre le panier en osier le plus célèbre de France et celle qui le portait à son bras, madame Mallory Birkin connue sous le nom de Jane Birkin.

Jane Birkin, n’avait pas d’affection particulière pour la Basse-Normandie, à l’exception du grand Hôtel de Cabourg dont elle parcourait en courant , avec ses parents, le hall d’entrée. Jusqu’à ce  printemps où l’acteur Yul Brynner, mythique interprète de Le Roi et moi et parrain de Charlotte l’invita dans son manoir de Criqueboeuf à Bonnebosq et lui fit découvrir le presbytère de Cresseveuille. Le charme opéra, et l’actrice investit immédiatement son cachet de La moutarde me monte au nez dans l’achat de la bâtisse.

Serge Gainsbourg affirmant toujours que lorsqu’il était en Normandie, il était chez Jane. D’ailleurs, il s’y faisait très discret. Une pièce, délibérément close, lui servait de refuge, composant, écrivant ou dessinant à l’encre de chine. Il m’est arrivé d’entendre, parfois, un piano égrener quelques notes de Brahms.

Je n’y ai vu qu’une seule fois l’homme à la tête de choux en sortir de fort mauvaise humeur. Jane Birkin venait de recevoir un appel téléphonique de son (presque) voisin en Normandie, Alain Delon. Il lui proposait un dîner et l’auteur de La Javanaise lui demandait avec vigueur de décliner cette invitation. Serge Gainsbourg était très jaloux de Monsieur Klein et accompagnait sa compagne sur les lieux où ils tournaient ensemble.

L’hospitalité généreuse du presbytère était discrète et feutrée. La comédienne y travaillait ses textes entre la british éducation de Kate, la french complicité avec Charlotte et son rôle de maitresse de maison ramassant sur le sol une des 31 chemises en jean de Serge Gainsbourg (une pour chaque jour du mois) sur fond de tapisserie liberty.

Lors des vacances scolaires et chaque été, Jane Birkin s’installait avec sa petite famille dans la presbytère. Elle avait convaincu Serge Gainsbourg de découvrir la région en solex mais l’aventure tourna rapidement court.

Elle utilisait plus volontiers la méhari blanche qui l’emmenait jusqu’aux Nouvelles Galeries de Lisieux où elle effectuait ses emplettes. Avec une Charlotte espiègle qui, assise à l’avant du chariot, saisissait les produits à portée de sa main et les déversait dans le caddie. Arrivée à la caisse, Jane faisait le tri tout en discutant avec la caissière qu’elle n’oubliait jamais d’embrasser avant de sortir…

Jane nous recevait, les jours de chaleur, avec un bas de maillot noir et un top de coton transparent.

Chaleureuse, avec une simplicité contagieuse, l’interview devenait une conversation. Elle nous parlait de ses « câlineries » (ce qu’elle aimait) et de ses révoltes. C’était encore l’époque où son accent britannique venait mordre son français fleuri. Elle avait alors l’excuse ingénue et musicale de commencer ses phrases par « Oh, tu comprends… ». Puis se resservant du thé, à la fin d’un entretien qu’on n’aurait jamais voulu voir s’achever, elle nous déclamait une tirade de Shakespeare ou quelques mélodies de My fair lady. Pliant alors sa jambe droite sur sa cuisse gauche, elle se calait dans ce fauteuil en osier qui avait  fait l’affiche du film Emmanuelle et que lui avait  offert un admirateur philippin ou indonésien persuadé qu’elle était l’interprète principale de ce long-métrage.

C’est là qu’elle me parla de son père, commandant de la Royal Navy. Et de ses activités pendant la Seconde Guerre Mondiale. En coordination avec la Résistance Française, il aurait convoyé de nuit entre la Grande Bretagne et la Bretagne des combattants de la France Libre et un certain… François Mitterrand.

Epilogue

En 1990, Jane Birkin revendit le presbytère et racheta une maison en Bretagne, là, précisément où son père avait débarqué les combattants de la France Libre….

Alain-Georges Emonet

20 juillet 2023

Hommage avec ce medley… (c) youtube et Taratata

Auteur : Versus

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