Juif ou Israélien un jour, Palestinien et arabe le lendemain ?..

Impossible de rester insensible devant le débat qui traverse la société et divise parfois familles, collègues de travail, amis et peut-être même amours… L’injonction à prendre position sur le conflit Israël-Palestine, qu’elle soit clairement exprimée ou objet de sous-entendus, voire de non-dits palpables, oblige à une réflexion.

Si les débats sont difficiles de part et d’autre des deux camps c’est qu’ils sont dominés par l’émotion en raison des horreurs de la guerre et de ses morts, ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier aussi, et des otages. S’y ajoutent à foison, la diversité des interprétations historiques des évènements depuis la création de l’Etat d’Israël, et des convictions religieuses aussi inébranlables que peuvent l’être les morts eux-mêmes.

Prenons l’exemple du partage des territoires : j’ai demandé à Chat GPT de me dire « Comment voyager de Judée en Palestine ? » Voici sa réponse :

Il semble y avoir une confusion dans votre question. La Judée et la Palestine sont souvent utilisées de manière interchangeable pour décrire une région géographique, historique et culturelle, mais leur utilisation peut varier en fonction du contexte politique et historique.

Historiquement, la Judée était une région ancienne située dans la partie centrale de la Terre d’Israël, correspondant approximativement à la Cisjordanie moderne. La Palestine, en revanche, fait référence à une région plus vaste qui englobe la Cisjordanie, la bande de Gaza et d’autres parties du territoire actuel d’Israël.

Non, il n’y a pas de « confusion » dans ma question comme le dit l’IA, car le mot « interchangeable » justifie assez bien l’existence d’idées pouvant être opposées les unes aux autres tout en n’étant pas contradictoires…! Allez mettre d’accord des populations et des dirigeants politiques avec ça !

Depuis le 7 octobre et l’horrible action du Hamas, les manifestations de soutien se sont divisées en lutte contre l’antisémitisme d’un côté (plus ou moins pro-juives et pro- israéliennes) et pro palestiniennes de l’autre, l’existence d’une troisième voie paraissant tout simplement impensable.

Pourtant dimanche dernier, 19 novembre, le monde de la culture s’est mobilisé à Paris à l’initiative de l’actrice belge Lubna Azabal et d’Emmanuelle Béart, rejointes par un appel de plus de 500 personnalités de ce même monde culturel, pour une marche silencieuse pour la paix. Le symbole est fort puisque ce monde travaille souvent dans l’imaginaire et le virtuel, et le voici qui s’implique en plongeant dans le réel. Ce faisant, c’est aussi un choix courageux puisqu’il ose refuser le classique choix binaire de la majorité des personnes, en proposant « Une autre voix » : c’est d’ailleurs le nom de l’Association qui défend cette idée.

Plusieurs milliers de personnes ont répondu à l’appel. Partis de l’esplanade de l’Institut du Monde Arabe nous avons longé la Seine et rejoint, deux heures plus tard, le Musée d’histoire et d’art du Judaïsme. Pas de revendications, pas de hauts parleurs, pas de musique ou de slogans, seulement quelques drapeaux blancs, et le lien physique entre deux mondes sensés devoir être éternellement hostiles, créé par la marche d’une foule que l’on sentait incroyablement unie et solidaire. C’était palpable. Pari tenu : il existe encore des hommes et des femmes pour penser l’impensable.

Est-ce que ça change quelque chose ? OUI, puisque l’Histoire montre clairement que tout ce qui se fait un jour et qui paraissait utopique la veille apporte un changement, une nouvelle ressource, une autre vision, un mouvement, et que ce mouvement est capable de briser certitudes et tabous.

Ce n’est pas une simple idée : voici quelques uns de ceux qui viennent à l’appui de cet espoir. Parce qu’ils ont justement permis à l’impensable de se réaliser, il me semble que ce serait faire un affront à leur mémoire que d’oublier leurs luttes et la route qu’ils nous ont montré : Nelson Mandela (Afrique du Sud), Martin Luther King (USA), Kofi Annan (un peu partout), Richard Holbrook (Bosnie), Oscar Arias Sanchez (Costa Rica), Ellen Johnson Sirleaf (Liberia), Jimmy Carter (Israël-Egypte), Mahatma Gandhi (Inde)… Certains l’ont payé d’années de prison, d’autres de leur vie, comme Anouar el Sadate et Yitzhak Rabin entre autres. Suivons les !

Parallèlement sachons reconnaître à ceux de l’enclave de Gaza ou en Israël qui vivent au quotidien la tension d’être à tout moment, et toute l’année, susceptibles d’entendre le son des sirènes qui envoient aux abris, à ceux qui savent qu’en prenant l’autobus ou en se rendant sur un marché ils pourraient ne plus revenir chez eux après un attentat surprise, de ne pas être en mesure de raisonner comme nous pouvons le faire à 4500 kilomètres de là, devant nos écrans.

Aussi, même si nous éprouvons la nécessité de nous faire une opinion sur le sujet comme nous aimons souvent le faire, et quoiqu’il en soit, puisque l’on doit condamner tous les tueries d’où qu’elles viennent, je crois qu’ici une forme particulière de respect vis à vis de ce vécu est nécessaire, c’est à dire de la modération dans nos jugements plutôt que les logiques et certitudes cartésiennes dérivées de notre culture et de notre histoire, bien éloignés des leurs.

Peut-être même faut-il aller jusqu’à reconnaître que nous sommes incapables, (pour cette fois-ci), de porter un jugement éclairé sur le sujet, et faire l’effort de refuser de s’impliquer dans un débat dépourvu de sens, et dans lequel nous sommes malmenés par les commentaires, les images, les fakes news, les réseaux sociaux etc, auxquels sous sommes quotidiennement soumis.

Par exemple demandez-vous dans quelle manifestation vous accepteriez d’aller si l’un de vos proches avait été l’une des victimes de cette guerre….

Diificile de le savoir…. Pour autant il n’est pas question d’en être absents, et quand bien même il est possible que les belligérants eux-mêmes ne le souhaitent pas dans le contexte actuel, ce qui est humain et normal, il reste possible de se prononcer avec fermeté pour la paix, comme l’ont fait les milliers de personnes à Paris. Même si devant vos contradicteurs l’idée parait complètement utopique, ce n’est pas la première utopie qui se verrait réalisée, et vous défendez alors la cause plus juste et la plus humaine qu’il est nécessaire de soutenir et de désirer faire vivre.

Alexandre Adjiman

le 23 novembre 2023

Les larmes d’Isabelle Adjani participante à la Marche pour la Paix

Auteur : Versus

Blog de commentaires sur les faits de société, les films, les livres, la créativité, la politique, les comportements individuels, l'antisémitisme, l'entreprise, l'économie, la famille, et d'une manière générale tout évènement susceptible d'apporter des changements... Je suis Médiateur Professionnel à Tours.

2 réflexions sur « Juif ou Israélien un jour, Palestinien et arabe le lendemain ?.. »

  1. Cher Alexandre,
    Merci pour ce nouvel article qui m’est très précieux à titre personnel, autant qu’il apparait comme indispensable comme parole à diffuser haut et fort, noyés que nous sommes dans le chao médiatico-politique !
    Effectivement le sujet est extrêmement sensible (comme vous l’expliquez parfaitement) car il renvoie chacun à son identité, son histoire, sa culture personnelle, sa religion ou son athéisme.
    Félicitations pour votre participation à la marche du 19 novembre à laquelle j’aurais aimé être. (J’ai tout de même signé la pétition l’accompagnant faute de mieux).
    Je remarque aussi que dans bien des pays ce mouvement uniquement Pacifiste se produit à grande échelle alors qu’en France tout juste s’il n’est pas interdit de dire et de manifester : pour la paix !!! Au mieux on demande des heures ou quelques jours de « cesser le feu ».

    Autre question pour vous Alexandre : comment se fait-il que bien des personnes (je prends exemple évidemment sur mon entourage) n’écoutent plus et lisent encore moins l’information internationale ? « Pour se protéger » me dit-on…
    Moi cela m’importe, je me sens concernée même si j’avoue payer le coût d’un tel intérêt : Car ces évènements me heurtent de plein fouet et me malmènent l’âme et le cœur terriblement.
    J’en viens à me dire que je ne suis plus du tout en cohésion avec le monde dans lequel je vis ; Que tout cela est en dehors de mes capacités d’entendement !

    Alors oui vos paroles et votre optimiste m’encouragent et m’amène à penser que peut-être, nous sauront dans un sursaut d’humanisme, préserver la vie et la fraternité sur cette pauvre planète pour nos enfants et petits-enfants ?
    Tout comme vous je pense aux grands hommes et femmes qui ont donné leur vie pour ce combat : la Paix !
    Je pense également à la maison ou j’ai grandi enfant et où, pendant la seconde guerre mondiale : se côtoyaient, s’épaulaient, discutaient, s’entre-aidaient, se sauvaient, construisaient l’avenir, des humanistes, des enfants de la terre avant tout. Il venait chez mes grands-parents, « des juifs », des Allemands antifascistes, des Espagnols, des Italiens, des Arabes, des « noirs », des blancs, des hommes, des femmes et enfants…
    Alors plutôt que de penser à eux tous, le cœur en miettes ; Je m’attache à vos propos pour garder le regard droit vers demain avec espoir. Grâce à vous Alexandre !

    Une fois de plus merci

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    1. L’époque de vos grands parents Sylviane était une époque où il ne s’exerçait pas la pression que nous avons aujourd’hui pour prendre parti en étant observés pour savoir si nous sommes ou non dans « la bonne tendance », celle qui, en l’absence d’esprit critique, serait celle de « tout le monde ». De façon paradoxale ils étaient plus libres de s’exprimer parce qu’il y avait moins de volume d’information ! J’apprends ce matin (avec beaucoup de plaisir) que Macron s’est fait littéralement bousculé lors d’une visite dans une université Suisse pour ses positions pro israéliennes ! Au pays de naissance de la « neutralité » ! C’est d’ailleurs son comportement erratique, évoluant au fil des heures et des circonstances qui m’a inspiré le titre de l’article….
      Votre témoignage et votre soutien sont précieux puisqu’ils participent virtuellement mais très concrètement à « la marche silencieuse pour la paix », et vient encourager tous ceux qui pensent de cette façon mais se sentent un peu… seuls ! Merci Sylviane ! Alexandre

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